Les origines du jeu d'échecs se perdent dans la nuit des temps entre légendes et une réalité historique souvent controversée.
Une origine située dans le nord de l'Inde vers 600 (après J.C.) est aujourd'hui
communément admise. L'ancêtre direct décrit par des textes est le chatranj
que les Perses auraient reçu des Indiens (jeu dérivé du Chaturanga à deux joueurs).
Point de repère : le jeu d'échecs tel que nous le connaissons aujourd'hui
existe depuis le début du 17ième siècle. Soit près de 400 ans sans aucune
modification majeure si ce n'est l'apport de la pendule et la modification du style des
pièces : le style Staunton (internationalement adopté) date de 1850.
Les textes anciens constituent la première source de connaissance pour l'étude de l'origine du jeu d'échecs. Néanmoins il faut rester prudent car ces textes ne constituent pas forcément la vérité absolue. Notamment pour les raisons suivantes:
Voici les textes anciens les plus souvent cités :
Texte en langue sanskrit : le Manasollasa (XII ième siècle)
Ce texte décrit les échecs en mentionnant deux variantes : une très proche des textes pelhvi et une autre appelé
le Chaturanga, se jouant à quatre joueurs.
Textes en langue perse (pelhvi ou palahvi)
le Chatrang-namak (= l'invention des échecs) recueil de contes perses vers l'an 800 décrivant l'arrivée du jeu d'échecs en Perse en provenance de l'
Inde.
le Shah Namah (= le livre des rois), histoire de la Perse par le poète Abu Kasim Mansur, plus connu par son pseudonyme Firdursi.
Dans ces deux textes (le second reprend l'histoire du premier), le jeu d'échecs est décrit se jouant avec un échiquier de 64 cases avec les pièces
suivantes : fantassins (pions), chars (tours), éléphants (fous), chevaux (cavaliers), roi et son conseiller le vizir (la reine).
Textes arabes
VIII ième siècles : premiers textes arabes mentionnant les échecs.
A noter que des textes arabes plus anciens (mais aujourd'hui disparus) sont cités dans ces textes.
Vous trouverez une liste complète et commentée de ces textes anciens sur le site de : Jean-Louis Cazaux
Avec les textes anciens, les découvertes archéologiques représentent la deuxième source de connaissance pour éclairer l'origine du jeu d'échecs. Mais comme pour les textes il faut rester prudent sur la datation des découvertes et aussi sur l'authentification des pièces. La découverte récente (juillet 2002) de la pièce de Butrint (sud de l'Albanie) en est une bonne illustration. (tous les détails sur cette page La pièce de Butrint)
Les découvertes les plus importantes
Le site d'Afrasiab, 8ième siècles, près de Samarcande en Ouzbékistan
Le jeu de Charlemagne, 11ième siècles
Le jeu de Lewis : 12ième siècle, île de Lewis (dans le nord de l'Ecosse)
Vous trouverez des images de qualité pour toutes ces découvertes sur le site de Jean-Louis Cazaux
Avant l'an 600, aucun texte ne fait référence au jeu d'échecs. On peut donc affirmer que ni les égyptiens, ni les grecs , ni les romains ne connaissaient les échecs. Néanmoins il est intéressant de connaître les jeux de l'antiquité, qui au gré des contacts des civilisations ont probablement influencer la naissance des échecs en Asie.
Exemple : L'empire d'Alexandre le Grand s'étendra jusqu'en Inde. Son armée combattra le roi indien Paurava (ou Poros) en 326 avant J.C.
Le senet : jeux de pions égyptien (jeu de parcours)
La petteia (jeu grec de stratégie)
l' Ashtapada (jeu indien). Probablement le premier échiquier 8x8. C'est un jeu de parcours sur un échiquier de 64 cases.
Le xiangqi (échecs chinois toujours joués aujourd'hui)
Le cas des échecs chinois est très intéressant. Il est parfois cité comme ancêtre, mais également comme variante des échecs !
Il est clair qu'il existent des similitudes qui démontrent un lien entre ces deux jeux.
Vous trouverez une comparaison très précise et une hypothèse sur l'évolution de ces deux jeux sur le site de Jean-Louis Cazaux
Cette période recouvre la diffusion du jeu d'échecs dans le monde. De son origine indo-persane le jeu d'échecs sera vite acquis par les arabes qui écriront les premiers livres consacrés à ce jeu. Les meilleurs joueurs sont alors auprès des califes de Bagdad. Le jeu suivra l'expansion de l'empire musulman et arrivera en Europe notamment via l'Espagne. Les échecs se diffuseront également à travers la Russie, les pays scandinaves et les pays de l'est. De même il se répandra très vite en Asie en donnant souvent lieu à des variantes toujours jouées aujourd'hui comme le Shogi (échecs japonais) ou le Xianqki (échecs chinois). Remarque : il n'est pas acquis que le Xianqgi soit une variante des échecs.
La fin du moyen-age et le début de la Renaissance est une période charnière pour les échecs. C'est durant cette période
que le "nouveau" jeu d'échecs apparaît. La reine et le fou adopte leur déplacement actuel. Le déroulement du
jeu est donc beaucoup plus rapide et la reine devient la pièce la plus puissante.
Remarque : bien sûr ces nouvelles règles rendent caduques tout l'édifice théorique élaboré par les arabes.
Le roque (motivé par le souci de protéger le roi) fera progressivement son apparition, ainsi que la possibilité d'avancer de
deux cases pour le premier coup d'un pion (et la prise en passant qui en découle)
A partir de 1650, on peut considérer que toutes ces règles sont établies.
Néanmoins il faudra attendre la création de la FIDE et le congrès de 1929 à Venise
pour avoir le premier règlement international officiel du jeu d'échecs.
De nombreuses légendes racontent la naissance du jeu d'échecs. Voici les 2 plus connues.
La légende du brahmane Sissa
Un prince indien très riche passant ces journées à s'ennuyer demanda a ses sages de lui inventer quelques choses
pour faire cesser cet ennui. Quelques temps plus tard le sage Sissa lui apporta un nouveau jeu : les échecs.
Le prince trouva ce jeu passionnant et y joua des journées entières. Pour remercier Sissa, il lui demanda
quelle récompense lui ferait plaisir. Le sage répondit qu'il voudrait le nombre de grains de blé nécessaire pour remplir
l'échiquier de la façon suivante : 1 grain sur la première case, 2 sur la seconde, 4 sur la troisième, 8 sur la
quatrième... etc en doublant le nombre de grains jusqu'à la 64ième case. Le prince trouva cette demande bien modeste.
En réalité le nombre de grains à réunir est astronomique et irréalisable ! En effet, le nombre précis est 2^64 - 1 (2 à la puissance 64, c'est-à-dire 2x2x2x2x2...64 fois)
ce qui donne précisément : 18 446 744 073 709 551 615. Cette légende était déjà connue au moyen âge !
La légende du grec Palamède
Le grec Palamède aurait inventé ce jeu durant la guerre de Troie (1300 avant J.C.) afin de rompre l'ennui des soldats.
Dans la mythologie grecque Palamède est l'un des héros de la guerre de Troie, fils de Nauplios (roi de l'île d'Eubée).
Remarque : aujourd'hui il est clairement acquis que les Grecs (comme les Romains plus tard) ne connaissaient pas
le jeu d'échecs.
La première revue consacrée au jeu d'échecs fondée en 1836 s'appellera Le Palamède. Vous pouvez consulter cette revue sur Google Livre.
Vous trouverez des précisions sur les auteurs citant Palamède dans la rubrique culture de mjae.com
Le chaturanga est souvent cité comme l'ancêtre le plus probable.
C'est vrai pour le chaturanga à deux joueurs mais c'est probablement faux pour le chaturanga à quatre joueurs. Cette hypothèse
est pourtant très souvent développée, y compris dans des ouvrages récents (ex: Larousse du jeu d'échecs).
Chaturanga est un terme sanskrit qui selon la
traduction la plus probable signifie : quatre (chatu) membres (anga).
Ce terme faisant référence aux quatre corps de l'armée indienne (infanterie, char
(ou chariot), cavalerie, éléphant). Chatrang est le nom perse et Shatranj le nom arabe.
Ce jeu se jouait à quatre et avec un dé.
Chaque camps possédait un char, un cheval, un éléphant, un roi et quatre soldats (pions).
sanskrit | persan | arabe | latin | ancien français | français |
Chaturanga | Chatrang | Shatranj | Scaci, Ludus scacorum | Esches | Echecs |
Rajah | Shah | Shah | Rex, (scacum) | Roy | Roi |
Mantri | Farzin | Firzan, Fiz (ou Vizir) | Ferzia | Fierge | (Reine) dame |
Roka (bateau) Nauka (navire) |
Rukh | Rukh | Rochus | Roc | Tour |
Hasti | Pil | Fil | Alphiles | Alphin, Aufin | Fou |
Ashwa | Asp | Faras | Equus | Chevalier | Cavalier |
Padati | Piyadah | Baidaq | Pedes | Paon | Pion |
Ce tableau est extrait du livre L'univers des échecs
L'expression Echecs et mat provient directement de l'arabe al-shah-mat : le roi est mort.
Le jeu d'échecs se diffusera au gré des voix de commerces (sel, soie, épices...) et des invasions.
La diffusion la plus citée (mais loin d'être la seule) est celle Inde / Perse / Islam / Afrique du nord / Espagne.
D'après un texte pehlvi (ou pahlavi : en langue perse) le jeu d'échecs a été introduit en Perse sous le
règne du roi Khosroe Nushirwan (531-578).
Les arabes adopteront ce jeu (prenant le nom de shatranj) et son expansion suivra les conquêtes de l'Islam, de
l'Afrique du nord
à l'Espagne, un des pays par lequel le jeu d'échecs sera connu en Europe
Je vous recommande le très beau livre L'art des échecs (C. Schafroth - Editions de la martinière). Le titre du livre est un peu trompeur. Il retrace en fait toute l'histoire du jeu d'échecs de son origine à aujourd'hui, le tout largement illustré avec des photos de qualité de différents jeux d'échecs.
LE livre indispensable (en anglais) :
A History of Chess | H.J.R. Murray, 1913 |
Les 3 trois livres indispensables :
L'art des Echecs | Colleen Schafroth - Editions de la Martinière, 2002 |
Le grand livre de l'histoire des échecs | A. Capece - Editions de Vecchi, 2001 |
L'univers des Echecs | Pascal Reysset, Jean-Louis Cazaux - Bornemann, 2000 |
A lire aussi :
Roi des jeux, jeu des rois - Les Echecs | Jean-Michel Péchiné - Découvertes Gallimard 1997 |
Larousse du jeu d'échecs | Larousse 1997 |
Ce groupe d'initiative regroupe des personnes passionnées par l'origine des échecs. (comme le français Jean-Louis Cazaux).
Ce site (en anglais) est indispensable, vous trouverez en ligne diverses théories.
www.schachquellen.de
A noter une parution très récente (juin 2003) d'un livre sur l'origine du jeu d'échecs qui se fait l'écho des différentes thèses développées sur ce site.
C'est LE site de référence consacré aux origines du jeu d'échecs et à toutes ses variantes (comme le Shogi et le Xiangqi)
Les échecs sous un autre angle : history.chess.free.fr